Tour de Corse du Kallisté
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Jour 34 : dimanche 18/08/2013

Saleccia - Marine d’Albo (22,900 km)

Levé à 6 heures :

La nuit a été correcte malgré, de temps en temps, un petit vent frais qui s’invitait dans le duvet et me glaçait les épaules.

Je me prépare un petit déjeuner chaud selon le rituel établi, et l’agrémente de trois biscottes et de la confiture achetée hier à l’épicerie du camping. Je regarde cette célèbre plage, encore déserte à cette heure du jour, et ne peux empêcher un léger sentiment de déception quand de vieux souvenirs me viennent en mémoire.

Il y a plus de vingt ans, nous venions bivouaquer sur cette plage en empruntant le chemin de terre qui y mène, depuis le village de Casta sur la route D81.

Note : Au sortir de Saint Florent, prendre la direction Île-Rousse. A la sortie de Casta, prendre le chemin de terre sur la droite qui conduit au camping de la Saleccia "U Paradisu". Attention ce chemin est très accidenté et il est préférable de l’emprunter avec une voiture robuste ou en 4x4. J’y venais à moto et mes amis en voitures.

A l’époque le camping n’existait pas encore et les visiteurs peu nombreux. La plage immense était à nous. Nous mangions et dormions à même le sable blanc, dans nos duvets. Il est vrai que les souvenirs sont toujours plus beaux, sans doute à cause des moments privilégiés et heureux qu’ils évoquent. La plage d’alors me semblait plus belle, plus vierge, et les senteurs du maquis environnant plus prenantes. Peut-être que l’affluence d’aujourd’hui y est pour quelque chose et je n’y éprouve plus le même sentiment de liberté. Nostalgie, nostalgie…

Mais revenons à nos moutons.

8 heures : départ.
Je glisse sur une mer aux couleurs de Seychelles et longe la côte parfumée jusqu’à la plage du Loto.

8 heures 30 :
J’accoste cette autre jolie plage de sable blanc (plus petite) et profite qu’elle soit déserte pour me baigner. Peu après, le premier bateau y amenant la foule touristique depuis Saint-Florent arrive. Il est temps pour moi de partir avant que la plage ne se transforme en camp de vacances.

9 heures 20 : C’est parti.
Je passe la Punta Cavallata et ne tarde pas à apercevoir la Tour de la Mortella . Là, je rencontre un groupe de trois Italiens (2 hommes et 1 femme), dans trois kayaks orange. Nous nous saluons et discutons un peu. Ils font aussi le Tour de Corse mais dans le sens opposé au mien. Ils estiment pouvoir le réaliser en 15 jours, tout en reconnaissant que c’est trop rapide. En effet, cela suppose de pagayer longtemps et de ne pas prendre le temps de s’arrêter pour profiter des paysages traversés. C’est aussi ne pas tenir compte de la météo, souvent capricieuse, qui peut vous bloquer plusieurs jours quelque part. Je leur souhaite néanmoins d’avoir la chance de réussir.

Connaissant parfaitement le Golfe de Saint-Florent je ne descendrai pas plus bas, mon but étant de le traverser pour atteindre le Cap Corse, en face.

Note : Si vous ne connaissez pas la région, descendez jusqu’à la Tour de la Mortella. Peu après vous arriverez à la magnifique Anse de Fiume Santu. Un petit paradis à l’eau turquoise et très peu profonde. Ça vaut le déplacement.

Par rapport à mon compas de route, je règle mon Cap à 90°. La mer est belle, je m‘élance pour la grande traversée.
Pendant le premier tiers du parcours, je croise de nombreux bateaux qui me taquinent de leurs vagues. Ensuite je suis seul, au large de tout. La traversée a une distance de 8 km, et en son milieu, je suis à 5,700 km du fond du Golfe de Saint-Florent (plage de la Roya).

11 heures 20 :
Après 2 heures de traversée, j’accoste en face sur la plage de Farinole. C’est une plage de sable qu’il faut aborder avec prudence à cause des rouleaux de mer qui la mouille. Je tire le kayak au sec et discute un moment avec un vacancier, puis me rends au restaurant de la plage. Après avoir joué (modestement) les Magellan, je m’estime en droit d’en recevoir la récompense : mauresque, sauté de veau aux agrumes et riz basmati, fromage Corse et café (18 €). Le repas se passe pour le mieux, tant il est vrai "qu’on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre".
En regagnant le Kallisté, je suis abordé par deux hommes qui avaient rangé leur petit catamaran tout à côté. Ils me disent être émerveillés par mon équipement (kayak + voile) et me souhaitent bonne chance pour la suite. Eux-mêmes terminent leurs vacances d’une semaine et regagneront Paris demain. Ils sont membres du club de voile de Saint-Florent. Ils mettent le catamaran à l’eau, grimpent à bord et s’éloignent vers le fond du Golfe en tirant de petits bords.

15 heures : Le départ.
Malgré les rouleaux mon départ se déroule sans problème, direction le Nord. C’est avec plaisir que j’attaque ce Cap Corse dont il me faudra faire le tour pour rejoindre ma base de départ. Ça sent déjà un peu la maison.

15 heures 50 :
J’accoste la plage de la Marine de Negru non sans difficulté à cause des vagues et des rouleaux et j’embarque de l’eau. Le pente de cette petite plage de gros galets est un peu raide et un couple vient m’aider à hisser le kayak sur la berge. Commence alors, une nouvelle fois, l’opération de vidage, un peu à la pompe à main, un peu à l’écope avec finition à l’éponge. Je gagne ensuite la paillote, sur le haut de la plage, car il fait soif. Sirop d’orgeat à l’eau (ils n’ont pas de menthe) et un café font l’affaire. Ainsi au repos je mets à jour mon livre de bord et consulte mes cartes.
Quelques temps après, un jeune homme entre à son tour et vient vers moi. Il se présente comme étant le fils des personnes qui m’ont aidé à tirer le kayak. Il est étudiant en journalisme à Paris et me demande s’il peut me poser des questions sur mon projet. Bien entendu j’accepte et il prend place face à moi, posant son smartphone sur la table pour enregistrer la conversation. Cela dure une vingtaine de minutes et j’essai de répondre au mieux à ses questions. Il me confie qu’il n’imaginait pas qu’on puisse faire cela en kayak, me demande mon âge et semble étonné de ma réponse (pourtant 67 ans ce n’est pas si vieux… si ?).
Comme il connaît bien la région il m’informe sur les plages suivantes, surtout sur leur nature. Albo est de petits galets comme celle de Giottani, plus loin, cette dernière ayant un petit port avec une rampe de mise à l’eau. On lève le siège après qu’il ait insisté pour régler les consommations.

17 heures 10 :
Il m’accompagne près du kayak. Les rouleaux sont toujours là. Avec son frère, ils m’aident à la mise à l’eau, évitant par ce fait quelques cicatrices de plus au Kallisté. Alors que je m’éloigne, un garçon d’une douzaine d’année me suit dans son petit kayak de plage. Je le vois regarder avec insistance le Kallisté, l’air étonné. Il finit par me demander « à quoi sert ce truc marron à l’arrière du kayak ». Je lui explique que c’est un gouvernail qui sert à me diriger sur l’eau et que je le commande à l’aide des pédales placées à mes pieds au fond de l’hiloire. Il ouvre de grands yeux, l’air dubitatif et pas très convaincu.

Je poursuis ma route et ne tarde pas à atteindre le village de Nonza, tendu sur sa falaise de schistes de plus de cent mètres de haut. Sa très belle Tour quand à elle, est perchée sur la falaise Nord à 167 mètres de hauteur.
Je longe du large sa plage artificielle constituée de galets noirs, rebuts de la carrière d’amiante de Canari (fermée en 1965). Sa grève abrupte rend la baignade dangereuse lorsque la mer est agitée. D’où je suis, je peux distinguer la présence de quelques baigneurs sur la plage. Certainement des touristes qui ne connaissent pas la particularité du lieu.

Note : Cette côte du Cap Corse est soumise aux vents d’Ouest et quand le vent souffle, vagues et rouleaux rendent l’accostage délicat.

18 heures 30 : Albo.  
J’accoste la plage. Effectivement, c’est une grande et large plage de galets moyens avec une belle Tour sur la droite. Un homme m’aide à tirer le kayak à l’abri et s’informe sur mon projet.
Je pénètre dans le village et achète un fromage à l’épicerie. Tout à côté, un Tabac où ne trouvant pas ma marque de cigares je me rabats sur une autre dont les parfums de volutes me font penser à de l’Amsterdamer (tabac à pipes).
Je rejoins la plage pour m’installer à la petite buvette : un café et un panini (sandwich aux steaks, jambon Corse, tomates et fromage).

Le soleil se couche. Je rejoins le kayak et installe mon bivouac tout contre. La nuit est là mais le sommeil ne vient pas.
Vers minuit, trois pêcheurs Italiens viennent mettre leur bateau à l’eau pour leur sortie nocturne. Les voyant peiner, je me lève et leur donne un coup de main, sachant combien cette tâche est difficile. Ils s’éloignent dans la nuit et bientôt je ne verrai plus leur lumière.
Ils rentrent quelques heures plus tard, hissant leur bateau sur le haut de la plage à l’aide d’un treuil. Je dors plus ou moins, sous le regard de l’imposante Tour, cintrée dans son grillage de protection.



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