Tour de Corse du Kallisté
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Jour 27 : dimanche 11/08/2013

Girolata - Galeria (25,500 km)

Cette nuit, alors que je m’abandonnais à la douceur d’un premier sommeil, je fus réveillé par le brouhaha d’une forte musique et de voix de filles chantant. Ne sachant pas trop ce qui se passe, je regarde ma montre : minuit. Je sors de ma tente, curieux de connaître l’origine de ce tintamarre. Je ne tarde pas à découvrir que non loin du camping, au bout de la plage, avait été installé une estrade en bois pour accueillir les noceurs et noceuses. Je réalise que c’est une nuit de week-end et que ces nuits là, pleine lune ou non, les vacanciers font la fête, au désespoir des randonneurs et marins qui n’aspirent qu’au repos. Mais où sont mes criques sauvages où l’on dort tranquille, sous le regard bienveillant des étoiles et leur silence complice ?

Levé à 6 heures : Je fais mon petit déjeuner avant de démonter la tente, la plier et ranger toutes mes affaires. Cela étant fait, je vais à la "Cabane du Berger" prendre un dernier café et régler ma note de camping. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un simple petit café à 2 € c’ est quand même cher. Certes je suis à Girolata, lieu prisé par les touristes, certes il y a peut être le prix du transport des grains de café en ce village reculé (à dos d’âne peut-être ?), mais ce n’est tout de même pas les Champs Elysées ? Quoique…

Alors que je suis près du Kallisté, occupé à le charger de tous mes sacs, une famille de randonneurs m’aborde et me questionne sur mon Tour de Corse en kayak. Nous discutons un moment avant qu’ils ne poursuivent leur route et moi la mienne.

9 heures 15 : le départ : la mer est belle

Je traverse le Golfe de Girolata sans problème particulier jusqu’à la Punta Scandola. Ensuite, tout change.

La mer s’agite et la houle grossit. Tout au bout de l’horizon, sur ma gauche, je devine les Calanche de Piana. Je filme un peu tout ce paysage sauvage.

Passée Punta Muchillina la houle grossit encore, avec des creux de 1 à 2 mètres. Je commence à croiser les bateaux de promenades qui m’offrent leurs belles vagues au passage. A partir de là, je longe les côtes de la Réserve Naturelle de Scandola. C’est une zone protégée et tout prélèvement marin est proscrit. Je coupe la Baie de Solana jusqu’à l’île de Gargalu où je passe entre elle et la terre. J’y rencontre de fortes vagues de parfois plus de 2 mètres et c’est une litote de dire que le passage est remuant. Là aussi les bateaux de promenades sont nombreux, se suivant presque, et je remarque les touristes s’accrocher fermement où ils peuvent pour garder leur équilibre.

Je passe la Punta Palazzu et arrive Baie d’Elbo. Les fesses commencent à me rappeler à l’ordre et me dire qu’il est temps de faire une pause. Du regard je cherche la plage d’Elbo, mais trop au large je ne distingue pas grand chose.

J’ai deux options : Continuer tout droit jusqu’à la prochaine pointe (je verrai plus tard qu’il s’agit de la Punta Nera), sans être sur d’y trouver derrière, la plage recherchée. Dans ce cas la route serait encore longue avant un arrêt possible.

L’autre option et de plonger vers le fond de la baie pour mieux en voir la côte et trouver un éventuel abri.

Pressé par le mal aux fesses, je choisis cette dernière option. Au bout d’un moment, sur ma droite, cachée au fond d’une petite crique, j’aperçois une plage. Serait-ce elle ? J’approche encore et je vois deux petits bateaux ancrés dans la petite crique, ainsi qu’une tour perchée sur son promontoire rocheux. Bon signe…

C’est la Tour d’Elbo, je suis au bon endroit. J’accoste à 12 heures 30 après 3 heures 15 de navigation.

Sur la plage, je demande à un plaisancier si c’est bien la plage d’Elbo. Il consulte sa carte marine et confirme que c’est bien elle.

Je suis un peu déçu car je m’attendais à une plage de sable fin et je trouve une plage de galets, qui plus est pas très grande. Elle fera quand même l’affaire car mes jambes commençaient à s’ankyloser. Je me restaure de quelques biscottes et d’un demi fromage rouge.

Vers 13 heures, je compte dans la crique, 12 semi rigides, 2 catamarans, 1 trimaran et 1 voilier. L’affluence des grands jours ! De plus, on aura la visite du bateau des gardes de la Réserve qui feront deux passages.

Sur la gauche de la plage, un peu en retrait, une maisonnette en ruines m’offre la possibilité d’un peu d’ombre et de quoi pouvoir m’asseoir.

Discutant avec le plaisancier qui m’a renseigné sur le nom de la plage, j’apprends qu’il est Parisien en vacances à Calvi.

Il a connu la Corse en faisant son service militaire à la base de Solenzara. Son épouse et ses deux jeunes garçons m’offrent un verre d’eau fraîche que j’apprécie à la mesure de l’ardeur du soleil, et il tape fort.

Ils repartent peu après pour Galeria dans le petit zodiac qu’ils y ont loué.

15 heures 30 : je pars à mon tour après avoir pris quelques photos et m’être baigné.

Je traverse l’Anse de Focolara dans une mer peu agitée. A partir de Punta Bianca changement de programme.

Les vagues prennent de l’ampleur avec des creux de plus d’un mètre. A Punta Rossa ça ne s’arrange pas et la mer est très chaotique et la houle forte. Je navigue au large, évitant de longer de trop près la côte et les îlots entourés de remous sur lesquels la mer se brise en faisant de très grosses gerbes.

Je découvre enfin Galeria qui était jusqu’à présent cachée à ma vue. J'évite le petit port et me dirige vers la plage de galets. A cause des rouleaux, j’ai quelques difficultés à hisser le kayak sur la plage. Une jeune femme vient à mon aide. Elle m’apprend qu’elle fait aussi du kayak avec des amis et qu’ils sont cantonnés au camping, plus loin dans les terres. On discute un bon moment et mon périple l’inspire et lui donne envie.

Je m’installe et constate que je suis sous le cimetière, perché en haut de la falaise qui borde la plage. Au moins les occupants ne feront pas la fête ce soir, ce qui m’assure une nuit sans bruit. Aucun resto sur la plage. Ils sont en haut, le long de la route. Je n’ai pas envie de laisser le kayak tout seul et je ferai donc ma popote personnelle.

Note : C’ est une plage de galets avec sur sa partie droite, un petit port et quelques habitations. Un camping est situé à l’intérieur des terres. Dans la partie gauche où je suis, sous le cimetière, il y a une échancrure dans la falaise avec un escalier conduisant tout en haut, au bord de la route. Là, il y a un hôtel restaurant, et un peu plus bas, un container à poubelles dont j’aurai l’usage car il n’y en a pas sur la plage. Le village de Galeria centre est plus loin vers les hauteurs .

Mon repérage des lieux étant fait, il est temps de songer au dîner.

Je me sers d’un gros rocher contre la falaise comme coin cuisine, plus stable que les graviers de la plage. Je verse le contenu d’un sachet de riz aux champignons dans ma casserole et y ajoute deux cuillères d’eau. Je pose le tout sur mon petit réchaud et je l’allume. Peu après, la flamme vacille puis s’éteint.

Il faut dire que cette cartouche de gaz est en place depuis mon dernier grand camping à moto, et cela me ramène… 22 ans en arrière. Le temps passe mais la cartouche a tenu. Heureusement j’avais prévu la panne et j’ai emporté une cartouche de rechange. Ces problèmes là arrivent toujours un dimanche quand les magasins sont fermés ou que l’on se trouve dans un lieu isolé. Je prends donc la cartouche neuve au fond d’un sac et procède au changement. Le hic c’est que je ne sais plus très bien comment procéder (en 22 ans j’ai eu le temps d’oublier).

Gaston Lagaffe, sors de ce corps… m’enfin !

La cartouche est solidement serrée dans les mâchoires qui la maintiennent et celles ci ne veulent pas s’ouvrir. Je force comme un damné et au bout de plusieurs minutes elles s’écartent enfin. La seconde opération est de placer la cartouche neuve. Cette fois ci, les mâchoires ne veulent pas se fermer sous la cartouche, car le pointeau du réchaud m’empêche de la pousser plus avant. Je me souviens que jadis, j’avais fait cette opération plusieurs fois sans problème… mais comment ? Ça c’est une autre histoire…

Je décide donc de jouer le tout pour le tout et appuie fort sur la cartouche jusqu’à ce qu’ elle soit percée par le pointeau. Le gaz sort en sifflant et me glace les mains… panique à bord !

Soudain, alors que je me désespère à voir le gaz s’échapper, la lumière jaillit dans mon esprit brumeux. J’ai l’idée de dévisser la tête de chauffe du réchaud.

Eurêka ! C’était donc ça ! La cartouche entre bien dans son logement et les mâchoires se ferment facilement sous elle.

Je revisse la tête pour maintenir l’ensemble correctement. Ouf ! Sauvé. J’ai perdu du gaz dans l’opération mais l’honneur est sauf (enfin presque, mais personne ne m’a vu). J’espère seulement ne pas oublier la procédure pour les 22 années à venir.

Je peux enfin finir de faire chauffer mon riz et le manger tranquillement dans la nuit déjà venue.


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